Jeudi 22 mars, la SNCF a sonné le coup d’envoi d’une période de grève intensive. Trains annulés, service partiel réalisé notamment en autocar, rythme de grève de deux jours tous les trois jours, grandes manifestations… le rail est en colère, et y met les moyens. En effet Emmanuel Macron et son gouvernement souhaitent la « réformer », c’est-à-dire changer durablement son fonctionnement, et ce de façon irréversible. Revenons sur les grands points de cette réforme afin de comprendre les raisons de cette grève et de cette colère grandissante dans le rang des cheminots.

Un changement de statut juridique

Actuellement la SCNF est ce qu’on appelle un EPIC : un établissement public à caractère industriel et commercial. Cela signifie que l’état en est le propriétaire et que la SNCF est donc un service public où une partie de l’argent de l’état et du contribuable est versée afin de nous garantir le meilleur service possible. Avec sa nouvelle réforme, le gouvernement souhaite changer ce statut en SA : Société Anonyme. Dans ce cadre la SNCF verra son budget dépendre d’actionnaires : des personnes injectant de l’argent et retirant par la suite une partie des bénéfices, toutefois, l’état en restera l’actionnaire prioritaire avec des parts incessibles.

La perte du statut de cheminot

Le personnel de la SNCF est soumis à un statut particulier ; le statut de cheminot. Il est défini comme un ensemble de règles « régissant les conditions d’entrée dans l’entreprise, la rémunération, le déroulement des carrières, les sanctions, la mobilité, les congés, les conditions de cessation de fonction, l’assurance-maladie et le droit syndical ». Concrètement, ce régime spécial se traduit par :

  • Un régime de sécurité sociale spécial et avantageux
  • Un emploi « à vie » : à part pour fautes graves, il est impossible d’être renvoyé
  • Une hausse de rémunération croissante tout au long de la carrière
  • Un départ à la retraite entre 52 et 57 ans
  • Une quasi-gratuité du train pour eux-mêmes et leurs familles

Pour bénéficier de ces avantages, il faut avoir moins de 30 ans au moment de l’embauche et se soumettre à une période d’essai de un à deux ans et demi où l’on peut être renvoyé sans préavis ni indemnités.

Ce sont ces avantages que la loi tend à supprimer. Les bénéficiaires actuels n’en seront pas privés, mais les nouveaux entrants n’en bénéficieront plus. Du côté de la SNCF, la colère suscitée par cette réforme s’explique par la perte de ces privilèges, mais souligne aussi que c’est un statut qui se veut primer la qualité de travail et la certitude de bénéficier d’un personnel qualifié formé pendant une période d’essai de deux ans. La société craint également que la suppression de ce statut ne crée deux niveaux inégalitaires et mette donc fin à la solidarité ayant lieu au sein du réseau.

Une ouverture à la concurrence

Le gouvernement souhaite également ouvrir le rail à la concurrence. Concrètement, cela signifie que le réseau de chemins de fer sera ouvert à des sociétés privées, qui proposeront leurs services à travers des appels d’offres diffusés par les régions dès 2019. Les usagers pourront donc bientôt choisir quels services ils souhaitent utiliser, comme on choisit aujourd’hui sa compagnie aérienne. En théorie, cette ouverture à la concurrence doit permettre de forcer ces différents acteurs à être plus compétitifs et donc faire profiter de meilleurs services et/ou de meilleurs prix aux usagers. La SNCF est donc en colère de perdre son monopole, mais craint également pour les plus petites lignes. Si celles-ci étaient jusqu’à là desservies pour l’intérêt public, elles risquent d’être ignorées par les entreprises privées car peu rentable.

Changement de statut juridique, perte du régime spécial réservé aux cheminots et ouverture à la concurrence sont donc les causes principales de la colère de la SNCF et des mouvements sociaux qui s’ensuivent. Si la SNCF ne compte pas se laisser abattre, le gouvernement, convaincu du bien-fondé de sa réforme souhaite la faire passer coûte que coûte en utilisant des « ordonnances ».

 

Source Photo : Jeanne Menjoulet  Manif Fonction Publique 22 Mars 2018 – Flickr

Source vidéo : chaîne BFMTV