La démocratie représentative est le seul système politique qui requiert le consentement des administrés pour son fonctionnement. Pour cela, les citoyens expriment leur choix par le vote, sélectionnant ainsi un candidat et approuvant les institutions qui composent ce régime. Il est donc essentiel de pouvoir mesurer de manière objective, voire scientifique, l’indice de confiance des citoyens dans les institutions politiques pour évaluer la stabilité intrinsèque de la démocratie.

Le baromètre de confiance politique français

Depuis 2009, le Centre de recherches politiques de SciencesPo (Cevipof) publie un baromètre annuel de confiance politique reposant sur un échantillon représentatif de la population française, prenant en compte des critères tels que le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, la région et la taille de l’agglomération où ils vivent. Ce baromètre révèle les niveaux de confiance envers les responsables politiques et les institutions, en se concentrant sur les fonctions régaliennes de l’État (armée, police, justice), les fonctions représentatives (municipalités, régions, nation, Europe), et les fonctions sociales (hôpitaux, écoles, associations). La dernière enquête a été réalisée en février 2020.

Les fonctions de proximité (le maire, les PME) et celles dédiées à la protection (hôpitaux, armée) recueillent les taux de confiance les plus élevés. En revanche, un quart des personnes interrogées ont une confiance générale dans le gouvernement, les syndicats ou les médias, et seulement 13 % font confiance aux partis politiques. Premier enseignement donc : les institutions et les fonctions locales semblent plus populaires que celles directement liées au pouvoir politique.

Deuxième enseignement : dans la liste des qualités attendues chez les gouvernants, l’« honnêteté » est en tête de liste pour les deux tiers des sondés, tandis que la « bonne connaissance des dossiers » ne touche que 28 % d’entre eux. L’importance accordée à ces critères révèle que la confiance, basée sur le comportement coopératif d’autrui, est bien plus cruciale que la confiance générique et impersonnelle, reposant sur la compétence.

Cette tendance générale, confirmant celle des années précédentes, permet de comprendre les fondements de la représentativité du corps social, c’est-à-dire ce qui motive les gouvernés à consentir au pouvoir des gouvernants. Depuis plusieurs années, près de trois quarts des sondés estiment que le personnel politique est plutôt corrompu et une grande partie de l’opinion publique est fatiguée des diverses affaires qui secouent régulièrement la classe politique en France.

En outre, seulement un quart des sondés estiment qu’il est important que le personnel politique soit « proche de gens » comme eux. La perception de la probité n’est donc pas liée à l’idée d’un rapprochement affinitaire entre les représentés et les élus.

La probité, qualité essentielle

Quels enseignements peut-on tirer de ces résultats ? Il apparaît que les réformes visant à refléter la diversité du corps social dans la composition des assemblées politiques ne parviennent pas à réduire la défiance. En effet, la solidité du système représentatif repose sur une distinction nette entre l’État et la société, distinction que la recherche d’homologie entre élus et citoyens tend à brouiller.

En revanche, la probité reconnue des mandataires de l’État demeure une valeur démocratique incontestable. Cette exigence est renforcée par une profonde mutation du rapport des citoyens à la politique. Comme l’a analysé Luc Rouban, chercheur au Cevipof, la perception de l’intérêt général est fragilisée par un recours accru à la démocratie directe et à la temporalité immédiate pour répondre à des demandes multiples. L’essor de cette nouvelle culture politique définit ce que Luc Rouban appelle « La matière noire de la démocratie ».