Le sujet est sur toutes les lèvres… Oui, la France est la première puissance agricole en Europe, mais sa position est menacée. Ce qui pose l’épineuse question de la souveraineté alimentaire du pays, un véritable enjeu qui trouve écho dans le gouvernement, dans la mesure où ce dernier se mobilise à travers un plan ambitieux. Etat des lieux de la souveraineté alimentaire en France !

Définition : la souveraineté alimentaire, c’est quoi au juste ?

Dans le sillage des débats sur la sécurité alimentaire qui animent le monde depuis des décennies, le concept de souveraineté alimentaire a émergé dans les années 1980, né d’une nécessité face à la globalisation croissante des marchés et à l’impératif d’autosuffisance des alimentaire des pays africains nouvellement indépendants. C’est dans ce contexte que, lors du Sommet mondial de l’alimentation à Rome en 1996, la Via Campesina, un mouvement paysan international, a posé les jalons d’une nouvelle définition de la souveraineté alimentaire, la concevant comme « le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité à produire son alimentation ».

Politiques de souveraineté alimentaire : une solution à la crise agricole française ?

Dans un contexte où la France importe la moitié de ses fruits et légumes, le gouvernement engage une démarche ambitieuse pour restaurer la souveraineté alimentaire nationale. Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, a dévoilé le 1er mars, à l’occasion du Salon de l’Agriculture, un plan stratégique dédié à renforcer l’indépendance du pays dans ce secteur vital (processus en cours déjà depuis 2022). Ce plan souligne un constat préoccupant : actuellement, une part significative de la consommation française en fruits et légumes repose sur l’importation, mettant en lumière une vulnérabilité face aux crises globales telles que la pandémie de Covid-19 ou les répercussions de la guerre en Ukraine.

Le nouveau credo « Produire français, manger français » vise donc à augmenter la production nationale, mais aussi à initier une transition écologique dans l’agriculture. Pour ce faire, une enveloppe de 200 millions d’euros a été allouée, partie intégrante des crédits du plan France 2030 pour l’année en cours, qui promet de catalyser des investissements conjoints de la part des acteurs professionnels du secteur.

Malgré un taux d’auto-approvisionnement actuel relativement bas pour les légumes et les fruits, le gouvernement fixe des objectifs ambitieux : gagner 5 points de souveraineté d’ici 2030 et viser une augmentation tendancielle de 10 points à l’horizon 2035, dans l’espoir d’atteindre les 60 % d’autonomie. Les mesures concrètes incluent le financement de l’arboriculture pour l’acquisition de technologies avancées, la construction de serres pour le maraîchage, la modernisation des équipements agricoles et le soutien à la recherche ainsi qu’à la consommation de produits frais.

Il faut savoir que ce plan intervient dans un contexte de hausse des prix alimentaires exacerbée par des facteurs internationaux, d’où l’urgence d’une réforme profonde. Entre la diminution des surfaces cultivées et la disparition de nombreuses exploitations agricoles, la France fait face à un défi de taille : réinventer son agriculture pour assurer un futur où l’indépendance alimentaire rime avec durabilité et résilience !

Préserver la souveraineté alimentaire en France : un véritable enjeu

Dans un contexte où la France, considérée comme une des premières puissances agricoles en Europe et un acteur majeur sur la scène internationale, voit sa position de leader s’effriter, Stéphane Layani, président du marché de Rungis, souligne avec force l’importance de préserver la souveraineté alimentaire du pays. Cette préoccupation est d’autant plus pressante que des signaux alarmants se multiplient : stagnation de la production agricole, diminution du nombre d’exploitations et réduction des surfaces cultivables sont autant de symptômes d’une crise profonde affectant le secteur. Un rapport du Sénat, corroboré par d’autres analyses, prévoit même un déficit inédit de la balance agricole française dès 2023, une situation sans précédent depuis l’après-guerre, à l’exception de la crise de 1974 due à une sévère sécheresse.

Stéphane Layani insiste sur le fait que, malgré ces défis, le marché de Rungis demeure un pilier essentiel dans la lutte pour le maintien de cette souveraineté, en valorisant la production locale et en garantissant une rémunération équitable aux producteurs français. Cette démarche est essentielle dans un pays où l’augmentation des importations de 24 % au cours des dix dernières années contraste avec la stabilité des exportations, révélant une dépendance croissante aux approvisionnements étrangers. Bien que la France maintienne une balance commerciale positive grâce à ses exportations de vins et spiritueux, elle perd continuellement du terrain dans des secteurs clés tels que les viandes et les légumes.

Face à ces enjeux, Stéphane Layani appelle à une prise de conscience collective et à l’action, rappelant que la souveraineté alimentaire est plus qu’une question de production et de commerce, c’est un enjeu stratégique majeur pour l’avenir du pays. Dans cette lutte pour la souveraineté alimentaire, le marché de Rungis se positionne comme un allié clé des agriculteurs français, en mettant en valeur la diversité et la qualité des terroirs nationaux et en assurant une rémunération juste pour les producteurs.

Equilibrer le bien-être des agriculteurs et le pouvoir d’achat des consommateurs

La question de la transition vers une agriculture plus durable et éthique, capable d’améliorer le niveau de vie des agriculteurs sans pour autant compromettre le pouvoir d’achat des consommateurs français, suscite un vif débat. Pourquoi ? Parce que les agriculteurs sont le socle de la souveraineté alimentaire

Or, les revenus des agriculteurs, malgré leur travail acharné, restent notoirement faibles, une réalité souvent occultée dans les discussions sur le coût des produits biologiques. Ces derniers, en effet, se vendent à un prix supérieur, non seulement en raison de leur impact positif sur l’environnement – préservation de l’eau, de l’air, des sols et de la biodiversité – mais aussi parce qu’ils assurent une meilleure rémunération pour les paysans, contribuant ainsi à une vie professionnelle plus équitable.

Le consommateur bio est généralement prêt à investir davantage dans ces produits, reconnaissant la valeur du travail agricole en France et les bénéfices environnementaux qu’il engendre. En effet, l’agriculture biologique, nécessitant davantage de main-d’œuvre et étant principalement localisée sur le territoire national, révèle un engagement fort envers le développement d’une économie agricole soutenable. Toutefois, ce modèle d’agriculture soulève des défis, notamment en termes d’incertitudes liées à une moindre utilisation de produits chimiques, exigeant une adaptation et une résilience accrues de la part des exploitants. Il est essentiel de souligner que l’argument souvent avancé concernant la préservation du pouvoir d’achat par le biais d’une agriculture hyper-productiviste sert principalement à perpétuer les avantages économiques de certains acteurs dominants du secteur, sans tenir compte des coûts sanitaires et environnementaux qui, in fine, retombent sur les épaules du contribuable.

Entre les coûts liés au traitement des eaux contaminées par les polluants agricoles et les impacts environnementaux non pris en charge par les acteurs de l’hyper-production, la facture est finalement réglée par la société dans son ensemble, à travers les impôts.