Nous allons vous conter l’histoire d’un politicien et d’un cuisinier qui, ensemble, ont eu la brillante idée de mettre la gastronomie au service des relations internationales. Talleyrand, diplomate, et Antonin Carême, fondateur de la grande cuisine française, ont joint leurs talents lors du congrès de Vienne en 1814.

Quand art de table rime avec diplomatie

Le 1er novembre 1814, russes, anglais et autrichiens se réunissent à Vienne pour un congrès. Leur objectif : redessiner l’Europe, six mois après la chute de Napoléon, alors exilé à l’île d’Elbe. Les négociations sont surtout menées en coulisses, particulièrement à table. La France, vaincue, a une carte à jouer, sortie de nulle part. Cela, Talleyrand, fourbe et malin qu’il était, s’en rend bien compte.

Dépêché à Vienne par le souverain français qui avait à cœur de consolider son trône, Talleyrand l’informe qu’il aura « plus besoin de casseroles que d’instructions écrites ». Ainsi, plus de sept mois durant, les marmites françaises ont fait tourner les têtes des puissants d’Europe lors des grandes réceptions organisées par le diplomate de plus de 60 ans : 48 entrées, une large sélection de rôtis, d’entremets de homards, de desserts fabuleux…

Mais rien ne vaut la fête que Talleyrand organisa en février 1815 en l’honneur de l’anglais Wellington, qui resta longtemps dans les annales comme un sommet de la gastronomie. Les négociations sont longues, périlleuses. Mais le diplomate français, qui a plus d’un tour dans son sac, à l’idée d’organiser un concours du meilleur fromage au monde. Pour l’occasion, il fait venir des roues d’un succulent Brie de Meaux qui remporte la mise. Quelques mois après ce sacre, la France intègre le conseil de ces mêmes puissances qui l’ont battu !

L’indispensable Carême

Si Talleyrand a eu autant de succès en gastronomie « diplomatique », c’est parce qu’il a su choisir le bon chef. Antonin est le cuisinier attitré du diplomate. Ensemble, ils vont être les premiers à introduire l’art de table en diplomatie. Le concept revient à l’ordre du jour, notamment grâce à Hugues Lallemand qui en parle dans son dernier article sur la haute gastronomie française. Revenons à Carême, ce génie des fourneaux. Il est le premier cuisinier à se faire appeler « chef », et il ne l’aura pas volé ! Ancien commis, il entre au service de Talleyrand 12 ans avant le sommet de Vienne. Le diplomate français ne tarde pas à reconnaître le grand talent du chef. Depuis, l’entente entre les deux hommes est parfaite.